Ces rencontres ont été conçues comme un laboratoire pour inventer des dispositifs innovants et inspirants pour l'éducation au consentement.

Comment promouvoir une culture du consentement dans les imaginaires ? En septembre 2021, Sexe & Consentement organisait la première édition des Imaginaires du Consentement : deux jours de rencontres entre des artistes, chercheur·se·s et acteur·ice·s engagé·e·s pour l'égalité, tous·tes invité·e·s à venir questionner les représentations des scripts sexuels et du consentement au cinéma, en littérature, au théâtre et dans les séries. Ces rencontres-évènement étaient également l’occasion de dialoguer sur la place et le rôle de l'université dans la promotion et la mise en place d’une culture du consentement explicite sur les campus.

Retour en images

avec la photographe Annah Schaeffer

Revoir les conférences

Toutes les tables-rondes et conférences ont été enregistrées par le Pôle Création audiovisuel de l’Université Paris 8, afin que ces conversations puissent être accessibles au plus grand nombre.

Comment promouvoir une culture du consentement dans les imaginaires ?

Avec Ella Hamonic, Co-fondatrice Sexe & Consentement et Juliette Sanchez-Lambert, Formatrice chez Sexe & Consentement.

Politiques de lutte contre les violences sexistes et sexuelles dans l’Enseignement supérieur et la Recherche.

Avec Elise Brunel, Chargée de mission égalité des sexes et études de genre au Ministère de l'Enseignement supérieur et de la recherche

Des spectateurs responsables ? Les hommes hétéros face à leurs fantasmes de domination.

Avec Florian Vörös, Maître de conférences, université de Lille.

Consentement, corps et plaisir à l'écran.

Avec Nina Faure, documentariste.

Représentation du consentement dans la fiction, perspectives sociologiques.

Modération par Mathilde Nabias, écrivaine, avec Alexia Boucherie, doctorante en sociologie de la sexualité, université de Bordeaux et Lydia Fenner, sociologue.

Éduquer au consentement sur les campus.

Modération Sophie Bénard, journaliste avec Juliette Verdeil de la Cellule Cassis d'AgroParisTech, Inès Girard de l'Observatoire étudiant des violences sexuelles et sexistes dans l'enseignement supérieur, Mathilde Neuville, présidente de Consentis, Hugo Kieffer du Bureau National des Elèves Ingénieur.e.s (BNEI), Coline Briquet co-référente égalité femmes-hommes à l’IESEG et membre de VSS formation.

Écrire le futur de l’éducation sexuelle : Place au consentement !

Modération par Anaïs Bouitcha journaliste, avec Diane Saint Réquier de Sexy Soucis, Caroline Rebhi, Co-présidente du Planning familial, Elvire Duvelle-Charles, co-fondatrice de ClitRévolution.

Conférence | Corps hors-normes, corps vulnérables : Sexualité, désir et consentement chez les personnes en situation de handicap.

Modération par Leïla Yaker, journaliste, avec Deza Nguembock, fondatrice de E&H Lab, Léa Good (en video), metteuse en scène, Jocelyne Vaysse, médecin psychiatre.

 

The role of sexual scripts in sexual violence avec Barbara Krahé, Professeure de psychologie à l’Université de Potsdam.

 
 
 

La synthèse écrite des échanges par Pauline Verduzier :

 
 
« Le compte-rendu de Pauline Verduzier »
— Journaliste à France Culture

L’objectif des deux journées du colloque était vaste : celui de réfléchir, en convoquant divers champs d’étude, à la construction d’une culture collective du consentement. Culture qui passerait aussi bien par l’école, la recherche et les politiques publiques, que par la fiction. Les rencontres Les imaginaires du consentement, qui se sont tenues à Paris les 27 et 28 septembre derniers sous la houlette de l’association de lutte contre les violences sexistes et sexuelles (VSS) dans l’enseignement supérieur Sexe & Consentement ont été pensées comme “un laboratoire” pour imaginer des outils à cet effet.

Alors que vient de sortir en France la saison 3 de Sex Education sur les sexualités plurielles de jeunes adultes, ces discussions étaient l’occasion de dresser un état des lieux des représentations culturelles du sexe. Dans sa conférence “Consentement, corps et plaisir à l'écran”, la documentariste Nina Faure a livré une passionnante analyse de cette série Netflix en en décortiquant les aspects qui posent encore question. Si l’œuvre à succès promeut le consentement et donne à voir une pluralité d’identités sexuelles et de genre, elle accorde de fait bien plus de temps aux problèmes masturbatoires d’Otis, le personnage principal - un homme cisgenre, blanc et hétérosexuel -, qu’aux personnages féminins. Dans Sex Education, un acte de revenge porn est perpétré par une femme (alors que dans la réalité, les auteurs sont le plus souvent des hommes), un personnage gay sort avec son harceleur, une femme lesbienne se plaint de ne pas éprouver de plaisir (statistiquement, ce n’est pas très cohérent) et la seule agression sexuelle évoquée est le fait d’un inconnu de la victime, alors qu’on sait que dans la majorité des cas, celle-ci connaît son agresseur. Les pratiques sexuelles représentées y sont cependant plus diversifiées que dans la plupart des productions télévisuelles. “Les représentations de la sexualité féminine dans le cinéma occidental, c’est souvent l’homme dessus, une pénétration, et la jouissance simultanée”, explique Nina Faure. Un schéma qui ne correspond pas non plus à la réalité des femmes, qui sont moins d’une sur cinq à atteindre “facilement” l’orgasme par la seule pénétration, sans stimulation du clitoris.

Ces images ne sont pas anecdotiques, puisqu'elles participent du façonnement de nos imaginaires en matière de sexualité, en particulier nos “scripts sexuels”. Soit des modèles fonctionnels qui organisent les comportements et les pratiques et qui permettent aux individus d'interpréter une situation sexuelle. Ces comportements sexuels “typiques” sont influencés par un contexte social et nourris par les médias, les instances de socialisation ou encore nos expériences personnelles. Or certains de ces scripts peuvent avoir des conséquences désastreuses quand ils véhiculent des idées fausses et limitantes. “Le script sexuel traditionnel est un script très hétéronormatif dans lequel les hommes sont initiateurs d'un rapport sexuel et dans lequel les femmes sont les “gatekeepers”, celles qui répondent à une initiative sexuelle”, a expliqué la sociologue Lydia Fenner dans une discussion sur les perspectives sociologiques autour du consentement dans la fiction. Ces scripts peuvent fausser nos perceptions et être reproduits par les institutions. C’est le cas par exemple du script dit du “vrai viol”, soit la représentation fausse qu’un viol se produirait forcément dehors, de nuit, par un inconnu usant de sa force physique. “Cela pose problème en termes de discours public sur les violences sexuelles. Cela complique la démarche du dépôt de plainte, la capacité à se percevoir comme victime, et cela participe de la tendance à blâmer les victimes. Ainsi, les cas qui collent à ce script sont surreprésentés dans les tribunaux”, a souligné la professeure de psychologie sociale Barbara Krahé.

Certaines images ancrées dans nos esprits participent de la culture du viol, sans parfois qu’on l’ait remarqué, notamment par les films visionnés dans l’enfance ou l’adolescence. On pense par exemple à la façon récurrente dont le personnage d’Indiana Jones force ses partenaires féminines à l’embrasser en les attrapant à l’aide de son lasso. Dans un tout autre registre, c'est en revoyant Peau d’âne (1970) de Jacques Demy en atelier avec la productrice Muriel Pérez que l’on est frappée par la violence de ce qui se déroule sous nos yeux, et dont on ne s’était pas aperçu enfant. Dans Peau d’âne, un roi, à la mort de son épouse, déclare à sa fille qu’il compte l’épouser. Celle-ci refuse, mais la scène qui suit tente de justifier l’inceste : un “expert” convoqué par le monarque lui dit en substance qu’il a tout à fait le droit de la convoiter. C’est ensuite l’enfant qui se voit chanter qu’on “n’épouse pas ses parents”, comme si l’idée venait d’elle. L’objectif de l’atelier mené par Muriel Pérez était donc de réécrire le scénario original de Peau d’âne pour en mesurer les biais sexistes et explorer le potentiel subversif d’un renversement de situation par les mots. Ainsi, dans les scénarios réécrits par les participant-e-s, la princesse invective son père et s’en va trouver sa bonne fée pour, de rage, éclater des bouteilles de bière par terre.

Dans les autres réflexions menées autour de la fiction, l’éducatrice et formatrice en santé sexuelle Diane Saint-Réquier a défendu la nécessité de donner plus d’espace aux regards “non-dominants”, ceux de personnes minorisées, que ce soit à la réalisation ou à l’écriture des œuvres. “Il faut aussi montrer des exemples de comment on fait pour demander le consentement, et montrer que le demander ne va pas “casser l'ambiance”. Il y a un vrai rôle des acteur-ice-s de la culture sur ces questions-là”, ajoute-t-elle.

Mais la fiction ne peut pas tout. Une grande partie du colloque a été consacrée à l’exploration d’idées pour repenser l’éducation sexuelle et la culture du consentement à l’école et dans l’enseignement supérieur. Parmi les pistes explorées : une réelle application de la loi de 2001 qui oblige les établissements à dispenser trois séances d’éducation à la vie affective et sexuelle dès l’école primaire, une implication des parents, plus d’inclusivité pour les minorités sexuelles et de genre, des formations à destination des personnels, des étudiant-e-s et des associations à l’université, le respect de la loi obligeant chaque établissement à avoir un dispositif d’écoute et de signalement des faits de violences sexuelles, etc. “Dans l'enseignement supérieur, il faut passer de la sensibilisation à l'éducation au consentement. Pour nous, c’est fondamental dans le parcours de vie étudiant quand on sait que 63 % de femmes disent avoir subi ou été témoins de violences physiques ou sexuelles sur leur campus”, a souligné Juliette Sanchez-Lambert, fomatrice pour l’association Sexe & Consentement. “Il y a aussi un manque de confiance envers les établissements. 22 % des répondant-e-s d’une enquête que nous avons menée pensent que ça ne sert à rien de les contacter et certain-e-s ne connaissent pas les dispositifs existants”, a alerté Inès Girard, de l'Observatoire étudiant des violences sexuelles et sexistes dans l'enseignement supérieur. A ce sujet, l’initiative d’une université anglaise a été citée en exemple. Ainsi, l’université West of England de Bristol dispense une formation de douze heures avec des petits groupes de quinze à vingt étudiant-e-s pour la prévention de ces violences. 

La prévalence de ces faits dans les soirées a été pointée, de même que l’importance d’associations comme Consentis, qui dispense des formations pour créer une culture du consentement en milieu festif et sur les campus. Dans les établissements eux-mêmes, des étudiant-e-s sont à l’origine de changements. Ainsi, à l’AgroParisTech, la Cellule Cassis a été créée après un cas de violence de genre entre ses murs. “Aujourd’hui, nous faisons des sondages à la fin des soirées et des week-ends d'intégration pour faire remonter les résultats à l'administration. On est aussi en train de faire dégager une ligne spécifique de budget pour la lutte contre les VSS à l'établissement”, a exposé Juliette Verdeil, de la Cellule Cassis.

L’objectif de ces deux journées était aussi de lancer une importante pétition, qui propose un dernier outil pour délivrer des messages de prévention. Pour prévenir les VSS, l’association Sexe & Consentement milite pour l'inscription de mentions légales liées au consentement sur les produits touchant à la santé sexuelle comme les préservatifs. “Notre proposition : l’inscription “Pas de consentement, pas de sexe” sur tous les articles et publicités sur les produits de santé sexuelle”, revendique ce texte diffusé sur Change.org et qui a déjà récolté 16 564 signatures.

Au cours du colloque, les intervenant-e-s présent-e-s ont toutefois fait état du chemin qu’il restait à parcourir et des limites rencontrées par les acteur-ice-s de la santé sexuelle. “L'information ne mène pas automatiquement au changement de pratiques. Les jeunes sont plutôt bien informés, sans que ça mène à un changement”, a regretté Lydia Fenner. “Pour changer un script, il faut qu'il y ait une adhésion avec l'idée que modifier ses pratiques apportera quelque chose de mieux”, a remarqué Alexia Boucherie, doctorante en sociologie. “Les chercheur-se-s se sont rendu compte que la plupart des étudiant-e-s utilisaient des gestes implicites et des pratiques du consentement non explicitement communiquées (...) Dans cette situation de domination, des hommes cisgenres hétéros ont tout intérêt à garder l'implicite puisqu’ils ont plus de maîtrise sur ce script.” La nécessité de s’adresser aux auteurs de violences a aussi été présentée comme indispensable. “Nous, on fait de l'éducation au consentement, mais on a besoin d'un vrai changement de paradigme. Au-delà de dire oui ou non, il y a des personnes qui comprennent tout à fait que c’est “non” et qui s'en fichent”, a rappelé Diane Saint-Réquier, ajoutant que “résoudre la question des violences sexuelles, c’est faire en sorte que des personnes arrêtent de s'octroyer des droits sur d'autres personnes.”

 

Un événement de Sexe & Consentement en collaboration avec le laboratoire Fablitt de Paris 8, les étudiant.e.s du master de création littéraire de Paris 8, rendu possible grâce au soutien de :